Les femmes "grandes gagnantes" de la réforme des retraites dit Edouard Philippe

Alors que les grèves contre la réforme des retraites s'accentuent dans toute la France, les femmes craignent de perdre au change avec les nouvelles propositions de Jean-Paul Delevoye, Haut-commissaire aux retraites. Le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé ce matin que les femmes, les mères ne seraient pas les perdantes de ce projet de ce sytème universel, au contraire... Vraiment ?

Les femmes "grandes gagnantes" de la réforme des retraites dit Edouard Philippe
© Thomas Samson/AP/SIPA

"Les femmes seront les grandes gagnantes du système universel", a martelé Edouard Philippe. Pourtant, d'après un rapport publié par l'Institut de Protection Sociale, la réforme des retraites promise par Emmanuel Macron et prévue pour 2025, ne présage rien de très réjouissant pour les femmes, déjà pénalisées par les inégalités salariales. Une vague de grèves est toujours en cours pour faire plier le gouvernement. Dans une tentative d'apaisement, le Premier ministre s'est exprimé le 11 décembre face au Conseil économique, social et environnemental (Cese). Il a dévoilé "l'architecture générale" de cette réforme, qui reste assez nébuleuse pour beaucoup de Français.
Rappelons qu'aujourd'hui, les femmes touchent 42% de moins que les hommes, en terme de pensions de retraite, selon un rapport de la DREES, publié en 2016. "Nous avons l'occasion d'y remédier", a lâché Edouard Philippe. Vraiment ?

  • Un système de points qui n'enchante pas 

Actuellement, le système ouvre droit à 8 trimestres de majoration de durée d'assurance pour une mère d'un enfant travaillant dans le privé et de 4 ou 2 trimestres, si elle travaille dans le public, selon l'année de naissance de l'enfant. Mais le nouveau système de retraites prévoit de supprimer cette majoration en passant d'un système de trimestres à un dispositif par points, qui permettrait d'augmenter la pension. Certaines comptaient toutefois sur ces trimestres supplémentaires pour prendre leur retraite plus tôt, ce qui ne sera désormais plus possible.

Edouard Philippe s'est voulu rassurant et a relevé la nécessité de mettre en place"une règle d'or pour que la valeur du point ne puisse pas baisser et indexera la valeur du point non sur les prix, mais sur les salaires qui augmentent plus vite dans notre pays"

  • Edouard Philippe officialise le bonus de 5% par enfant dès le premier enfant

Le système des retraites actuel permet aux femmes mères d'au moins trois enfants de bénéficier d'une majoration de pension s'élevant à 10% par parent. Les taux peuvent varier selon le régime et le nombre d'enfants.
Le système universel des retraites prévu pour 2025 souhaite simplifier ce bonus en accordant 5% au premier enfant, puis 5% de plus pour chaque enfant (10% pour le 2ème, 15% pour le 3e...).

Si dans l'ancien régime, les deux parents jouissaient de ce bonus ensemble, le nouveau texte poussera le couple à choisir la répartition : partager équitablement ou répartir la majoration uniformément. Aussi, au 4e enfant, c'est la mère qui aura droit automatiquement au bonus. Une mesure dont le Premier ministre s'est félicité et qui permettra, selon lui, d'effacer les inégalités. "Les femmes seront les grandes gagnantes du système universel. Aujourd'hui leurs pensions sont inférieures de presque moitié à celles des hommes. Ça s'améliore un peu mais très lentement. Le rattrapage des salaires a été lancé mais nous savons que ce chemin sera long et que les femmes connaissent, plus souvent que les hommes, des interruptions de carrière. Le système universel permet d'y remédier, en compensant la maternité à 100% et en accordant des points supplémentaires dès le premier enfant et non le 3e comme aujourd'hui", a-t-il déclaré.

  • L'âge de départ souligne les inégalités entre femmes et hommes

L'âge minimal de départ à la retraite est maintenu à 62 ans. Dans une vidéo postée sur Twitter, la Secrétaire d'Etat pour l'Égalité femmes-hommes, Marlène Schiappa, explique que les femmes doivent partir à 67 ans avec le système actuel, pour compenser les inégalités salariales, et que le système universel pourra leur permettre de partir à 64 ans.

L'IPS note dans son rapport : "Alors qu'il est présenté comme favorable aux carrières hachées, le nouveau dispositif est en réalité défavorable aux mères d'un et deux enfants. Une des raisons en est l'instauration d'un âge pivot à 64 ans – au lieu d'un âge de départ taux plein possible dès 62 ans actuellement – qui pénalise fortement les femmes. En effet, si ces dernières veulent partir à 62 ans comme actuellement, elles devront supporter une décote de 10% ; qui annihile largement la majoration des 5% pour enfant."

  • La pension de réversion à 70% 

Dans ce futur système de retraite, si la majoration de durée d'assurance est supprimée, il ne restera plus que la pension de réversion (rente versée au conjoint d'un salarié décédé qui correspond à une part fixe des pensions de retraite du défunt) pour gommer les inégalités entre hommes et femmes.
L'IPS pointe du doigt un changement radical dans le rapport Delevoye, qui souhaite garantir 70 % du total des retraites dont bénéficiaient le couple, et la pension de réversion ne serait plus déterminée en fonction du montant de la retraite du conjoint défunt. Ce pourcentage a bien été officialisé par Edouard Philippe.

En revanche, selon l'IPS, les salariés du secteur privé devront attendre 7 ans avant de pouvoir jouir de ce droit, s'ils le demandent à 62 ans et 9 ans, s'ils attendent 64 ans. Aujourd'hui, 89 % des pensions de réversion sont versées aux femmes.

Le Premier ministre a également parlé d'une pension minimum de 1000 euros nets par mois, pour une "carrière complète", calculée à 85% du SMIC. 

Réforme des retraites : qui est réellement concerné ?

Edouard Philippe a été clair :"Ceux qui rejoindront le marché du travail en 2022 intégreront directement le système de retraite." Les personnes nées avant 1975 ne sont pas touchées par la réforme mais "la première génération après 1975 aura 70% de sa retraite calculée selon l'ancien système", comme l'explique Libération.

Concernant les droits acquis dans l'ancien système, qui sera caduque dès l'entrée en vigueur du système universel des retraites, le Haut-commissaire des retraites, Jean-Paul Delevoye, assure à 100% leur garantie, tout comme l'a réaffirmé Edouard Philippe ce mercredi. Pour assurer le bon déroulé de ce passage dans l'inconnu, l'IPS nous informe "qu'une photographie des droits relatifs à la carrière effectuée sera réalisée au 31 décembre 2024" par les Pouvoirs Publics.

Jean-Paul Delevoye, porteur de ce projet, affirme vouloir améliorer l'actuel système pour toutes les classes sociales et également pour les femmes."Nous proposons un système qui sera plus redistributif, plus favorable aux femmes, plus favorable aux carrières heurtées et courtes. Celles et ceux qui sont favorisés par le système actuel doivent accepter un effort de redistribution", a indiqué Jean-Paul Delvoye lors d'une entrevue avec Le Parisien.

Interrogée par La Croix, l'économiste Frédérique Nortiez-Ribordy l'assure, chiffres à l'appui :  "Une femme devrait vivre jusqu'à 116 ans pour espérer un revenu égal à celui de son mari sur l'ensemble de sa vie... "