Viol collectif : une circonstance aggravante face à la loi
Il représenterait 10 % de la totalité des viols. Phénomène de groupe, comportement juvénile, le viol collectif traverse "l'histoire des sociétés urbaines" loin du phénomène des "tournantes", très médiatiques, qui semblaient sans précédent au début des années 2000. On fait le point.

Qu'est-ce qu'un viol collectif ?
Selon l'article 222-23 du Code pénal, "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol". Le viol collectif est un viol commis par plusieurs personnes agissant en tant qu'auteur ou complice. Le viol collectif est "un phénomène de groupe, une dynamique collective et viriliste sur une victime souvent unique", explique la sociologue Véronique Le Goaziou, auteur de Viol, que fait la justice ? (2019, éd. Presses de Sciences Po).
Le terme "tournante" a émergé en décembre 2000 en lien notamment avec une séquence politique axée sur l'insécurité à l'approche de la présidentielle de 2002. "Le phénomène des viols collectifs a surgi dans les médias à la fin de l'année 2000, en liaison avec le débat politique sur l'insécurité et les violences urbaines. À travers la figure médiatique des 'tournantes', il a été généralement présenté comme un comportement nouveau, en croissance rapide et par ailleurs spécifique aux jeunes de banlieues, c'est-à-dire aux jeunes issus de l'immigration qui résident massivement dans les quartiers pauvres des grandes agglomérations. Par là, ce thème s'est trouvé également relié avec celui de l'intégration ainsi qu'avec des mouvements politiques dénonçant les violences faites aux femmes", écrit le sociologue Laurent Mucchielli en 2019 dans l'ouvrage collectif Qu'est-ce que l'adolescence ?1. Toutefois, le viol collectif est "un comportement juvénile qui traverse toute l'histoire des sociétés urbaines", précise-t-il.
Qui sont les victimes de viol collectifs ? Qui sont les agresseurs ?
En 2012, selon les chiffres avancés par Emmanuelle Piet, du collectif féministe contre le viol (CFCV), citée par Franceinfo, les viols collectifs représenteraient "10 % du total" des viols.
Concernant les condamnations, "le dernier chiffre publié est celui de l'année 2016. Le nombre de condamnations pour viols collectifs oscille selon les années entre 80 et 190 condamnations. Sur une période de 32 ans, on ne constate aucune tendance d'évolution, si ce n'est une baisse sur la période la plus récente", écrit Laurent Mucchielli, s'appuyant sur les statistiques judiciaires.
La sociologue Véronique Le Gouaziou qui a épluché pour ses différents ouvrages des centaines de dossiers judiciaires liste pour le Journal des Femmes les situations qu'elle a identifiées : "On retrouve des viols collectifs dans le milieu de la prostitution. Des travailleurs ou travailleuses du sexe subissent des viols commis par plusieurs personnes, souvent dans un contexte de représailles. On en retrouve également en milieu carcéral. On retrouve aussi des viols collectifs dans des lieux de rassemblements, des lieux fermés où des personnes vivent ensemble, travaillent ensemble et se connaissent très bien (caserne de pompiers, lieux d'enseignements, internats...). Il peut aussi s'agir d'un phénomène juvénile, un groupe de jeunes qui s'en prend à une jeune femme qui est souvent la copine ou la petite copine de l'un d'eux et qui tombe dans un piège. Ce qui est alors en jeu, c'est le rapport de force du groupe sur une victime unique et, pour ces jeunes hommes, le fait de prouver leur virilité. Le groupe contraint les membres comme il permet aux membres de passer à l'acte. Pour les plus jeunes, il s'agit parfois de leur premier rapport sexuel. On retrouve alors dans le phénomène quelque chose de l'ordre du rituel initiatique", développe la sociologue. Pour cette dernière situation, selon les chiffres avancés par Laurent Mucchielli, la victime est en moyenne âgée de 15 à 18 ans, la bande composée de jeunes âgées de 15 à 25 ans.
Les agresseurs d'un viol collectif sont-ils tous condamnés de la même façon ?
Pour juger des affaires de viols collectifs, il faut établir le degré de responsabilité de chaque agresseur. "La justice juge sur des faits. Elle doit qualifier les actes reprochés et définir les responsabilités. Il est pourtant très difficile dans ce type de viols de savoir qui a fait quoi et de définir les responsabilités de chacun. Une jeune fille a été violée, mais dans la 'bande', certains ne souhaitaient pas aller jusqu'au bout, certains étaient guetteurs, d'autres ont agressé la victime sans commettre de pénétration, d'autres l'ont violée. Dans ce type de dossier, les magistrats ont énormément de mal à savoir qui a fait quoi", explique Véronique Le Goaziou.
On se souvent en France, en 2017, de l'acquittement de sept accusés, dont un seul était majeur, dans une affaire de viol collectif sur une mineure de 14 ans. Ce jugement avait provoqué une vague d'indignations et une pétition qui avait recueilli plus de 50 000 signatures. Le parquet avait alors fait appel. Deux ans plus tard, Muriel Salmona, psychiatre, fondatrice de l'association Mémoire traumatique et victimologie et initiatrice de la pétition, attendait de ce nouveau procès "que l'on ne considère pas que le fait de ne pas se débattre et se taire valent consentement", selon des propos relayés par Le Parisien. "La sidération est une preuve de contrainte, pas de consentement", avait-elle encore déclaré. En novembre 2019, six accusés avaient alors écopé de quatre à cinq ans de sursis, un avait été acquitté.
Risques et peines encourus par les personnes ayant commis le viol collectif
Le viol est puni de 15 ans de réclusion. "Lorsqu'il est commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice", il s'agit d'une circonstance aggravante. La peine passe à 20 ans de réclusion criminelle.
Comment dénoncer, porter plainte après un viol collectif ?
Dans un précédent article sur le viol, publié sur le Journal des Femmes, Emmanuelle Piet, médecin et présidente du Collectif féministe contre le viol (CFCV), avait détaillé les démarches qu'elle conseillait d'effectuer après un viol :
1. Porter plainte
Si la victime veut porter plainte, elle peut se rendre dans un commissariat de police ou à la gendarmerie. "Si on n'a pas envie d'aller dans un commissariat, on peut demander de l'aide sur le chat mis en place par le gouvernement." "On peut aussi écrire au procureur de la République si on décide de porter plainte plus tard. Les femmes doivent savoir qu'elles ont le temps pour porter plainte. Si elles ont trop peur ou pour une autre raison, elles peuvent prendre le temps d'y réfléchir. Elles peuvent aussi décider ne pas porter plainte". Isolée, mais aussi par peur des représailles, du scandale, de la diffusion de vidéos ou de photos en ligne... peu de victimes de viol collectif portent plainte contre leurs agresseurs.
2. Faire pratiquer un examen médico-légal
Après avoir porté plainte, et sur réquisition policière, la victime fait constater les éventuelles blessures et subit des prélèvements aux urgences médico-légales. "Les preuves étant très éphémères, cela vaut le coup, si on sait qu'on veut porter plainte, de se rendre le plus rapidement possible à la police ou à la gendarmerie."
3. Conserver les preuves
Si on ne veut pas se rendre dans un commissariat ou à l'hôpital, "c'est important de garder les preuves. Conserver ses vêtements dans du papier, se couper une mèche de cheveux si on pense qu'on a été drogué.e. La victime a tendance à vouloir oublier rapidement, mais ces preuves sont précieuses".
4. Penser à sa santé
"Il faut aussi que la victime pense à sa santé. Une femme peut se rendre à l'hôpital ou chez le médecin. Selon moi, c'est mieux de se rendre aux urgences parce qu'on peut tout de suite prendre un traitement contre le VIH (le TPE, traitement post exposition au VIH, ndlr). On lui donnera aussi ce qu'il faut pour éviter une éventuelle grossesse. Le mieux est de ne pas y aller seule. Mais il faut appeler quelqu'un en qui on a vraiment confiance", pose Emmanuelle Piet. Elle ajoute : "Et si la victime ne se rend pas à l'hôpital, il est important de prendre la pilule du lendemain et de penser au dépistage d'éventuelles IST".
Par ailleurs, plus de 80 % des victimes de viol risquent de développer un syndrome de stress post-traumatique chronique. "Le syndrome post-traumatique se soigne, à condition d'aller voir quelqu'un. C'est bien aussi de se faire accompagner par une copine, un thérapeute ou dans un groupe de paroles...", conseille Emmanuelle Piet.
Quelles associations et écoute pour les victimes d'un viol collectif ?
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1 Laurent Mucchielli. Délinquance juvénile : le cas des viols collectifs. V. Bedin (dir.),. Qu'est-ce que l'adolescence ?, Editions Sciences Humaines„ pp. 235-243, 2019, 978-2-9126-0172-8.