Sylvia, 40 ans, poignardée par son conjoint, morte dans les bras de sa fille : 131e féminicide
Sylvia, 40 ans, est morte, poignardée par l'homme qui partageait sa vie depuis 4 ans. Malgré un dépôt de plainte, les forces de l'ordre ne sont pas parvenues à empêcher le drame. Sa fille Stella, désemparée, raconte cette tragique nuit du 10 novembre.

Le sinistre chiffre continue de grimper. Il s'agit du 131e féminicide recensé en 2019. Sylvia, 40 ans, a été poignardée à mort par son conjoint le 10 novembre, à Oberhoffen-sur-Moder, dans le Bas-Rhin, a informé le parquet de Strasbourg. Sa fille Stella Guitton, 20 ans, a raconté le drame au micro de France Bleu Alsace. "Cela fait trois, quatre ans qu'ils étaient ensemble et trois, quatre ans qu'elle est rouée de coups, qu'elle n'a jamais voulu parler par peur pour elle et pour le défendre. On voit où ça mène aujourd'hui (...) Je lui ai demandé plusieurs fois de venir vivre chez moi, elle n'a pas voulu parce qu'elle a un caractère de cochon", a-t-elle d'abord précisé. La jeune femme a expliqué que sa mère voulait se séparer de l'homme qui la terrifiait.
Stella a vu sa mère "se prendre le dernier coup de couteau dans la carotide"
Le 10 novembre, à 23h, Sylvia appelle sa fille au secours, ajoutant que son conjoint avait "de nouveau caché un couteau". Après avoir "entendu crier", Stella, paniquée, s'empresse de conduire depuis Bischwiller jusqu'au domicile de sa mère, à Oberhoffen-sur-Moder. Un trajet de voiture qu'elle effectue en trois minutes. "Les gendarmes de Bischwiller, qu'on a appelés avant de partir, ont mis une demi-heure à arriver", a-t-elle déploré.
Malheureusement, malgré son empressement, elle arrive trop tard : "J'ai eu le temps d'escalader le portail, de fracturer la porte pour essayer d'entrer, pour voir ma mère se prendre le dernier coup de couteau dans la carotide. Elle s'est relevée, est venue vers moi et c'était fini". Après avoir porté plusieurs coups de couteaux au cou et au thorax de sa conjointe, Jacqui Walter, 58 ans, tente de se suicider avant d'être maîtrisé par les gendarmes, qui le placent aussitôt en garde à vue. Le 12 novembre, il a été mis en examen et placé en détention pour "meurtre sur conjoint", nous informe le parquet de Strasbourg, qui détaille : "Les investigations auront pour objectif de mettre en lumière les circonstances de ce drame familial".
Stella fustige, naturellement, le manque d'intervention des forces de l'ordre qui sont, d'une part, arrivés trop tard sur les lieux du drame, et d'autre part, n'ont pas fait le nécessaire pour protéger sa mère, alors que celle-ci avait déposé une main courante, puis porté plainte il y a un mois. Celle-ci avait signalé des "disputes et des violences légères sans ITT sur fond d'alcool" et des menaces de "dégradations de son véhicule".
"Personne n'a voulu nous écouter, personne n'a voulu nous aider. A part des : 'Portez plainte madame'. C'est bien beau de porter plainte, mais ça n'aide pas. On lui dit : 'Madame, il faut que vous partiez', mais elle leur répond : 'Je suis chez moi aussi, j'ai mon chien, j'ai ma vie ici, je ne peux pas partir'. Alors, on la raccompagne sur le canapé et on lui dit : 'Bonne nuit, Madame'. Le lendemain, on n'est même pas sûr qu'elle se réveille. C'est ce qui est arrivé cette nuit", a conclu la fille de Sylvia.
"On dit aux femmes : 'Quittez votre mari, mais on ne leur en donne pas les possibilités"
Avant le début du Grenelle des violences conjugales, Marlène Schiappa, secrétaire d'État à l'Égalité femmes-hommes avait pourtant bien souligné la nécessité de former davantage les policiers à l'accompagnement d'une victime qui porte plainte. Force est de constater que la vigilance est bien loin d'être systématique.
Céline Piques, porte-parole d'Osez le féminisme, s'est indignée, au micro de France Info : "On sait très bien que c'est au moment des séparations que se font les passages à l'acte des féminicides. La victime avait indiqué vouloir se séparer de son mari, on était donc dans une zone de grand danger. Les policiers qui ne sont pas formés passent à côté." Et d'ajouter : "Une des solutions serait de systématiser l'éloignement du conjoint violent quand la femme victime veut rester dans le domicile. Quitter son conjoint, ça veut parfois dire tout abandonner, ça veut dire des problèmes financiers, et de logement. On dit aux femmes : 'Quittez votre mari', mais on ne leur donne pas les possibilités de le faire."
Quant à Stella, la fille de Sylvia, elle souhaite organiser une marche blanche en mémoire de sa mère, mais n'a pas encore donné de date précise.