Absence des pères à l'échographie : "on prive les futurs papas de ce moment essentiel"

Alexandre Marcel, l'auteur du blog Papa Plume, a publié une lettre ouverte sur les réseaux sociaux pour autoriser la présence du conjoint aux échographies de grossesse. "On laisse les gens aller travailler, les métros sont bondés, au stade, tout le monde joue au foot sans masque, mais on refuse le droit au futur parent d'assister aux échographies de grossesse !", dénonce-t-il. Très engagé dans l'égalité parentale, il a accepté de nous en dire plus.

Absence des pères à l'échographie : "on prive les futurs papas de ce moment essentiel"
© Instagram Papa Plume

Depuis le début de la pandémie de Covid-19, les échographies de grossesse sont limitées à une seule personne pour limiter les contacts dans le cabinet ou la maternité. Selon les établissements, les pratiques ont évolué, mais certaines mamans sont toujours contraintes de venir seules et n'ont donc plus la possibilité de partager ces émotions fortes avec le conjoint. Une différence de traitement qui suscite l'indignation et l'incompréhension de nombreux futurs parents. Alexandre Marcel est l'auteur du blog Papa Plume et du livre "Je ne m'attendais pas à ça", paru aux éditions Larousse. Ce futur papa, qui attend son deuxième enfant pour mi-août, s'insurge contre cette restriction absurde. Ce 2 mars, il écrit une lettre ouverte pour autoriser les conjoints à assister aux échographies de grossesse après qu'on lui ait refusé d'être présent le jour de l'échographie de sa femme.

Pouvez-vous nous raconter comment vous avez vécu cette interdiction ? 

Alexandre Marcel : "Très mal ! Quand ma femme m'a dit que je ne pourrais pas assister à l'échographie du premier trimestre, elle a pleuré. C'est là que l'on voit si tout se passe bien, que l'on entend battre le cœur de son enfant pour la première fois, c'est un moment super fort de rencontre avec son bébé, donc c'est extrêmement difficile de ne pas pouvoir y assister. J'ai réussi à refaire une échographie quelques mois plus tard mais c'était toute une histoire : je ne pouvais pas attendre dans la salle d'attente, il fallait que j'attende dehors. Mes parents ont traversé l'île de France pour garder ma fille le soir car c'était à 19h, bref, cela s'est révélé très compliqué. Au-delà de ça, ça me révolte, je ne comprends pas cette décision. On laisse les gens aller travailler sur site, les métros sont bondés, au stade tout le monde joue au foot sans masque mais par contre, on prive les futurs papas de ce moment essentiel ! Si on arrive au cabinet médical en portant un masque, qu'on se lave les mains et qu'on respecte bien la distanciation sociale, je ne vois pas où est le problème. Et puis, plus globalement, cette mesure touche à la cause des papas : cela renvoie le message que le père, ou le second conjoint, est facultatif.  

"Un papa n'a pas pu venir à l'échographie alors que le cœur du bébé ne battait plus"

J'ai eu énormément de retours de la part de ma communauté. J'ai reçu des messages horribles. Des pères qui n'ont  pas pu assister à l'accouchement, qui ont rencontré leur enfant sur le parking de la maternité, au bout de 4 jours. Des mamans qui m'ont raconté qu'en janvier, le papa n'a pas pu venir à l'échographie alors qu'ils se sont rendu compte que le cœur du bébé ne battait plus. La femme a découvert ça toute seule, sans que son conjoint soit là pour la soutenir. D'autres ont été contraintes d'accoucher avec le masque alors qu'une femme a besoin d'air pour accoucher. Selon moi, c'est de la violence gynécologique. Dans mon livre, j'essaie d'encourager les papas à s'investir dans la paternité, à dire que c'est magnifique de s'occuper d'un enfant, qu'il faut en avoir conscience et que c'est trop important. Pour eux d'abord, mais aussi pour une question d'égalité homme-femme et pour une question de transformation de la société. Notons que ce n'est pas une mesure d'état puisque cela dépend des cabinets. C'est révoltant, incompréhensible, injuste. Un enfant, ça se fait à deux, ça s'accueille à deux. Or là, c'est comme si on nous disait que la grossesse ne nous concernait pas.

Comment envisagez-vous la naissance de votre 2e enfant, compte tenu des restrictions sanitaires ?

C'est très simple : si on me dit que je ne peux pas aller en salle de naissance, il faudra se mettre à plusieurs pour me faire sortir ! La maman a besoin d'être accompagnée dans ce moment à la fois fort, douloureux de peur, d'amour, de tout. On ne peut pas exclure le papa de ce moment magique. Donc j'imagine être là normalement. Est-ce que je pourrai rester à la maternité ou pas ? Pour en avoir discuté avec beaucoup de parents, là encore, le sujet me parait très obscure. Certaines mamans m'ont dit que, même pendant le premier confinement l'an dernier, certains papas avaient pu rester dormir et d'autres non, cela doit dépendre des établissements. La présence du père à l'accouchement est fondamentale, on ne peut pas le priver de ce moment fondateur pour lui. "Mariages, anniversaires, voyages… L'épidémie nous prive de nombreux instants de joie qui, heureusement, peuvent souvent être reportés. On ne peut pas reporter une échographie. Ces moments-là sont perdus pour toujours" écrit le futur papa dans sa lettre.

Pensez-vous que votre témoignage pourra permettre de faire évoluer les choses, comme cela avait été le cas pour l'allongement du congé paternité ?

Je n'en sais rien. Pour le congé paternité, cela a fait bouger les choses mais là, il faut que mon message arrive aux bonnes oreilles. C'est pour cela que je demande à ma communauté de le diffuser largement. Concrètement, ma lettre ouverte signifie : les papas ont envie de s'investir, donnez-leur les moyens de le faire ! De manière générale, je remarque que mon post libère la parole sur cette période bizarre d'interdits. Pour moi, c'est de la violence imposée aux mamans et aux papas.