Se dépasser : le défi des enfants doués

Se dépasser est un besoin essentiel pour un enfant doué, pour qu'il construise sa propre image.

Se dépasser : le défi des enfants doués
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On sait que les enfants doués aiment par-dessus tout relever un défi ; quand ils n'en trouvent pas l'occasion, ils s'endorment et pourraient même dépérir, écrasés par un trop pesant ennui. Il s'agit d'un besoin essentiel pour construire leur image. Il est certain que tous les enfants goûtent le plaisir d'avoir surmonté une difficulté particulière, mais, pour les enfants doués, cette difficulté doit être réellement plus ardue.

En fait, ces victoires ponctuelles ne suffisent pas, les personnes douées, enfants comme adultes, aiment donner leur pleine mesure sans restriction ; c'est alors qu'elles se sentent véritablement elles-mêmes, elles suivent le rythme qui leur convient réellement, sans se contraindre ni se freiner pour éviter de se différencier à l'excès.

Un besoin presque vital

On songe aux expéditions, aux courses, où les participants savent qu'ils risquent de mettre leur vie même en péril : ils évoquent, tout à la fois, l'intense concentration durant les préparatifs et l'entraînement et l'excitation qui les gagnent à l'idée d'affronter ces périls extrêmes. Les courses en solitaire en sont un des exemples les plus fameux. Tout comme les athlètes de très haut niveau, il leur faut un mental d'acier pour conserver la force qui leur est propre face aux ennuis inévitables.

Ces cas illustrent de façon emblématique la façon d'être de ceux qui ont besoin de se mettre à l'épreuve pour trouver l'opportunité de se dépasser et se sentir alors en accord avec leur sensibilité profonde ; sans doute, en l'absence de toute possibilité, ils auraient le sentiment d'une existence amoindrie, comme en sommeil, à l'écart de la vraie vie, dont ils finiraient peut-être par se demander si elle existe ailleurs que dans leurs rêves. Dans la réalité, ces rêves les préparaient. À la première occasion qui se présente, ils ne se posent pas de questions, ils suivent la route juste apparue parce qu'ils étaient tout prêts à l'emprunter depuis de longues années. On pourrait croire qu'il s'agit d'exceptions, que ce sont des parcours suivis par un nombre infime, alors que les domaines où il est nécessaire de se dépasser sont multiples, mais moins spectaculaires.

Une maturité requise

Ces vocations se dessinent peu à peu, à la différence des aventuriers exceptionnels, il faut une certaine maturité d'esprit pour se projeter dans un rôle où on devra assumer des responsabilités, parfois très lourdes, prendre des décisions dans la seconde, sans négliger le moindre détail, tout en exerçant une vision d'ensemble d'une situation généralement inhabituelle. L'illustration la plus frappante reste l'urgence en médecine. La désormais vénérable série " Urgences ", suivie de beaucoup d'autres qui abordent ce thème porteur, a sans doute suscité bien des vocations en montrant que ce dépassement de soi constituait un quotidien presque banal pour les protagonistes.

Se dépasser suppose un combat perpétuel contre des forces qui dépassent l'homme, sans craindre de les affronter tout en sachant que la victoire n'est jamais assurée en dépit des efforts démesurés, soutenus par une réflexion intense. Ceux qui choisissent de mener ce combat ne craignent pas d'être parfois contraints de devoir reconnaître leur échec, sa menace persiste, même si tous les efforts sont déployés pour l'éviter. Accepter sa défaite demande sans doute la même force de caractère que celle qui avait soutenu le combat, d'autant plus que l'élan qui le portait est retombé.

Se dépasser avec modestie

Ce combat précis est emblématique, mais tout le monde n'a pas cette vocation-là. Lutter contre des éléments déchaînés demande tout autant de dépassement de soi et de capacités à élaborer une stratégie. Quand ces combats sont relatés avec talent, ils deviennent emblématiques de l'immense valeur des forces humaines face à des catastrophes insensées.

Pour celui qui n'a pas songé un instant à ménager ses forces, sa conduite n'a rien d'exceptionnel, il a agi comme il le devait et comme on s'y attendait compte tenu de son rôle. Se dépasser est alors si naturel qu'il va de pair avec ce qui apparaît une admirable modestie, alors que pour le héros ses actes sont simplement en accord avec le choix de sa fonction. Il n'a jamais le sentiment d'être allé au-delà de ses forces, il était normal qu'il ne s'économise pas, il est simplement heureux s'il a contribué à restaurer ou à maintenir l'harmonie qui doit normalement présider à tout ce qui est humain, il ne saurait se comporter différemment. Il a suivi son rythme propre.

Une joie immense ressentie

Ce peut être uniquement celui de la pensée, quand le mot juste, l'argument irréfutable, l'expression la plus pertinente viennent immédiatement à l'esprit, tout comme l'escrimeur a parfois le sentiment d'être guidé par son fleuret, la phrase, qui peut susciter l'admiration des auditeurs, s'est formée d'elle-même avec les éléments les plus percutants.

La joie et la satisfaction d'avoir pu agir en accord avec sa personnalité profonde l'emportent sur la fatigue éventuelle provoquée par une telle dépense d'énergie, alors que celle qu'entraînent des tâches monotones, répétitives, ne comportant aucun enjeu, est presque mortelle. Ces élans qui ne peuvent s'exprimer, l'obligation de s'appliquer à se freiner, parce qu'un rythme plus rapide entraînerait une désorganisation catastrophique si la personne douée travaille au sein d'une équipe, sauf si tous les membres de cette équipe se ressemblent pour le bonheur de chacun, finissent par peser d'un poids à peine supportable.

Une notion propre à chacun

Finalement, se dépasser est une notion subjective, tout dépend de l'environnement, mais il faut bien reconnaître qu'à l'exception du sport ou de concours précis, les enfants en trouvent rarement l'occasion, mais tous n'ont pas de vocation sportive, même quand des parents conscients de cette situation amoindrissante tentent les sports les plus rares, qui provoquent un intérêt distrait et poli chez un enfant éternellement plongé dans des livres et qui écrit déjà de petits textes joliment tournés ou bien qui adore résoudre des problèmes de mathématiques si complexes que leurs aînés s'y perdent.

Quel que soit le domaine d'action, puiser en soi des forces insoupçonnées procure une joie inégalable, c'est une façon d'être qu'il faut encourager sans s'étonner des résultats inattendus que cette démarche entraîne. C'est ainsi que se façonne une personnalité bien dessinée, hardie, organisée et surtout en accord avec elle-même dans une indispensable harmonie.

Conseils : il est préférable de rester attentif pour savoir si un enfant n'est pas plongé dans un océan d'ennui qui lui offre des perspectives peu engageantes pour son avenir, plutôt que le faire patienter en attendant le futur éventuellement plus complexe qu'on lui fait miroiter, mieux vaut lui fournir l'occasion d'aller au-delà de lui-même pour qu'il découvre des joies qui l'étonneront.