Thimotée Robart (LES MAGNÉTIQUES) : "Plutôt mourir que de faire le Fangio devant une caméra!"

Thimotée Robart tient le rôle principal dans "Les Magnétiques", de Vincent Cardona, au cinéma le 17 novembre. Dans ce film sur l'énergie des années 80, l'amour et les radios pirates, le comédien impressionne par sa justesse et sa maîtrise des émotions. Interview.

Thimotée Robart (LES MAGNÉTIQUES) : "Plutôt mourir que de faire le Fangio devant une caméra!"
© JP PARIENTE/SIPA

Les Magnétiques, en salles le 17 novembre, est le deuxième film en tant qu'acteur de Thimotée Robart. Perchman de profession et fils de comédiens, le jeune homme ne s'était jamais imaginé face caméra. Pourtant, il truste le premier rôle des deux réalisations dans lesquelles il apparaît. Après avoir fait des premiers pas remarqués dans Vif-Argent de Stéphane Batut, le Parisien a tapé dans l'œil de Vincent Cardona.
Dans Les Magnétiques, le débutant incarne Philippe, un jeune homme à peine sorti de l'adolescence qui traîne avec son grand frère et ses potes dans leur petite ville de campagne. Son aîné est un mec qui prend de la place, parle fort, quand lui-même préfère rester en retrait d'un air mutique. Ensemble, ils tiennent une radio pirate, Jérôme au micro, Philippe à la technique. Mitterrand vient d'être élu président de la République et les deux garçons vont devoir trouver leur place dans ce monde émergeant, électrique, plein d'espoir.
Thimotée Robart y est fascinant. En très peu de mots, il parvient à donner à Philippe l'aura des héros de cinéma qu'on n'oublie pas : les sensibles, les romantiques et les passionnés. Rencontre.

Qu'est-ce qui vous a plu dans Les Magnétiques ?
Thimotée Robart : Après la lecture du scénario, j'ai dit à mon père une phrase d'acteur de base : "je le ferais bien celui-là" (sourire). L'histoire est hyper classique et du coup hyper universelle. Le personnage suit le schéma habituel du film initiatique. Il part d'un point A et avec des changements dans sa vie, il arrive à un point B. Dans Star Wars IV c'est la même chose! Mais là c'est à une époque qui me plaît, avec une musique que j'aime. Et puis se faire passer pour un P4 pour être réformé du service militaire, comme dans le film, mon père l'a fait. Ça fait partie d'une légende paternelle.

 "Je ne veux pas dépendre du désir de quelqu'un pour gagner ma vie"

En quoi Philippe vous a-t-il particulièrement touché ?
Thimotée Robart : Il était cool! Je fais du son, mon métier c'est perchman. C'était marrant de pouvoir incarner ça et de ne pas être seulement un comédien qui fait semblant. Je suis content de voir que mes 2 ans d'études me servent pour mon métier et aussi pour en jouer d'autres. Et l'évolution du personnage était super intéressante à retranscrire.

Philippe se construit en opposition à son frère Jérôme, extraverti et torturé...
Thimotée Robart : Plus que le parcours de Philippe, Les Magnétiques montre différents hommes à travers ses rencontres. C'est un film avec des relations fortes entre les mecs. Les liens d'amour du film, ce sont ceux avec son frère et son pote de l'armée. Voir ces différentes masculinités qui contrastent, qui s'accompagnent, qui se complètent, c'est aussi ce qui crée l'intérêt. Tous ces personnages sont louables à certains endroits et critiquables à d'autres.

Thimotée Robart dans "Les Magnétiques" © Celine Nieszawer / Paname Distribution

Vous êtes perchman, mais c'est votre deuxième film, encore en tant que rôle principal. Aviez-vous pensé à être acteur avant ?
Thimotée Robart : Non, mes deux parents sont comédiens et je me disais "plutôt mourir que de faire le Fangio devant une caméra"! Je sais comme c'est difficile quand on est acteur et qu'on ne travaille pas et c'est pour ça que je continue mon métier à côté. Je n'ai pas envie de dépendre du désir de quelqu'un pour gagner ma vie. Quand ça m'est tombé dessus, j'avais trouvé ça marrant de travailler une scène pour un casting, mais quand on te propose de jouer le personnage principal, d'un point de vue égo, ça ne se refuse pas. C'est très fort, comme la relation avec le réalisateur. C'est dingue d'être félicité pour faire semblant, de pouvoir aller chercher de la tristesse, de la joie et développer toutes ces sensations. C'est une profession qui grandit l'âme.

Comme le réalisateur de votre précédent film, Vincent Cardona a eu un coup de cœur pour vous. Comment le vivez-vous ?
Thimotée Robart : La relation face à un homme qui te dit "j'ai envie que ce soit toi qui joues ce rôle" est hyper saine. Ce sont deux personnes qui s'unissent pour un projet. Ce qui me pose problème, ce sont plutôt les autres personnes autour, les potes de potes ou les gens que l'on peut rencontrer en festivals ou autre. L'image que les gens projettent sur toi à cause de ton érotisation cinématographique est compliquée à gérer.

"Si je gagnais 2000 euros par jour face à des techniciens qui en gagnent 150, ce serait compliqué pour moi"

Vous qui êtes habitué des plateaux hors-champ, comment avez-vous appréhendé d'être face caméra ?
Thimotée Robart : La principale différence, c'est que sur les films que j'ai faits en tant que comédien, j'étais là tous les jours. Je viens de tourner un deuxième rôle où j'avais seulement 5 jours de tournage et ce n'était pas facile, tu ne fais pas vraiment partie de l'équipe alors qu'il suffit de passer un seul jour en renfort à la perche pour être intégré. Les films d'auteurs auxquels j'ai participé sont des films à petit budget, j'étais payé à peu près comme un ingénieur du son. Je pense que c'est aussi important. Si je gagnais 2000 euros par jour face à des techniciens qui en gagnent 150, ce serait compliqué pour moi.

Qu'est-ce qui vous plaît dans le travail du son ?
Thimotée Robart : Je ne suis pas fan de son à l'origine. J'ai appris à aimer parce que je m'y suis sensibilisé. Ce qui me plaît dans le métier de perchman, c'est l'artisanat plus que le résultat sonore. J'écoute pour m'améliorer, mais j'aime le travail manuel, la relation avec les gens, la place sur le plateau. C'est physique et en même temps relationnel, hyper fin. Gamin, je me bâtais avec des bâtons, maintenant je travaille avec !

Avez-vous envie de prolonger l'expérience d'acteur ?
Thimotée Robart : J'aimerais pouvoir faire les deux. Pour mon équilibre, il vaut mieux, sinon je vais devenir fou. Et je ne veux pas être séparé de mes potes, même d'un point de vue financier. Si on me dit que je suis super en tant qu'acteur, j'ai aussi besoin qu'on me dise "mets pas ta perche dans le champ stp".

Thimotée Robart dans "Les Magnétiques" © Celine Nieszawer / Paname Distribution

Pour le film, vous avez dû apprendre à manier des machines des années 80, des cassettes, des bandes sonores... Comment vous êtes-vous familiarisé avec cette époque ?
Thimotée Robart : Le monteur son et le mixeur étaient présents dès le début du film, ce qui n'est jamais le cas. Ils ont pensé les scènes et créé la bande son avant le tournage. L'été précédent, ils avaient construit le studio que l'on voit dans le film dans la cave du producteur. J'y suis allé une ou deux fois avec eux pour qu'ils me montrent. Ils m'ont laissé carte blanche pour venir quand je voulais m'amuser avec le matos. Je ne l'ai pas fait beaucoup de fois, mais j'y suis allé avec des potes et le simple fait de l'avoir travaillé un petit peu m' a servi au moment du tournage. C'était cool d'avoir accès à des machines comme ça.

Les Magnétiques évoque aussi l'ennui, celui qui développe les passions et pousse à s'occuper. Avez-vous connu ça adolescent ?
Thimotée Robart : J'ai grandi à Paris et je crois qu'on s'ennuie davantage ici. Tous mes potes qui viennent de province ont passé une enfance incroyable. Moi c'était bien, j'allais à la piscine ou aux Buttes Chaumont, mais eux ont fait des conneries dingues. Si tu vis dans la campagne vers Aix-en-Provence, tu peux entrer dans une maison abandonnée dans la forêt la nuit. Je n'ai jamais pu faire ça, alors je faisais des trucs de citadin : lecture, musique, film... et Lego.

Quel film vous a marqué ?
Thimotée Robart : Barry Lyndon m'a fait réaliser que le cinéma, c'est génial, vraiment un truc à part. J'avais invité une fille à venir le voir à la maison pour la Saint-Valentin, en mode j'ai 12 ans, mais je suis cinéphile (rire). Elle ne s'est jamais pointée, alors le soir j'ai vomi partout de tristesse, mais le film était cool.