Ophélie raconte sa 1ère fois à 34 ans : "J'avais honte d'être vierge"

Parce qu'elle ne se sentait pas jolie et pas désirable, Ophélie a toujours pensé que l'amour et la sexualité appartenaient aux autres. Dans l'attente du bon partenaire mais paralysée par la honte, la jeune femme a perdu sa virginité à 34 ans. Elle nous confie la pression et les multiples peurs qui ont rythmé ses expériences.

Ophélie raconte sa 1ère fois à 34 ans : "J'avais honte d'être vierge"
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Au fil de nos vies, nous cumulons les premières fois. Premier baiser, premier amour, premier appartement, premier job, première cuite, premier bébé… Que de plongeons dans l'inconnu. Ces premières fois sont tantôt jolies et excitantes, tantôt sources d'appréhensions et de questionnements, parfois tout à la fois. La première fois sexuelle n'échappe à la règle. Peut-être même qu'elle est celle qui fait couler le plus d'encre dans les médias, celle qui prend le plus de place dans les conversations entre copains et copines à l'âge où elle se fait sentir. On l'imagine, on la décrit. On se demande si on trouvera les clés, les gestes et les mots. On cherche le mode d'emploi, ignorant qu'il nous faudra alors l'inventer. Mais cette première fois devient taboue quand elle ne s'inscrit pas dans les clous, soit dans cette statistique que personne n'ignore : c'est à 17 ans en moyenne que l'on fait l'expérience du premier rapport sexuel en France.
Est-ce que ce chiffre met la pression, pousse à se demander - face à 18 bougies - pourquoi pas moi ? Nous avons rencontré Ophélie, une jeune femme de 36 ans. Vierge jusqu'à l'âge de 34 ans, elle nous a raconté son parcours, ses peurs, le poids de la honte et cette première fois qu'elle attendait autant qu'elle la redoutait. Un récit poignant qui rappelle que oui, la première fois est bel et bien une question de bon moment et que ce bon moment n'a rien à voir avec l'âge. 

"Je n'ai jamais vraiment eu de petits copains"

Au collègue et au lycée, à l'heure où les flirts remplacent les jeux de billes, j'étais très loin de m'intéresser aux garçons. J'avais un gros manque de confiance en moi. Je ne me trouvais pas assez jolie, attirante et intéressante pour plaire à quelqu'un. Pour ça, je n'ai jamais eu de petits copains, aussi parce je m'estimais trop jeune. J'étais même plutôt gênée de croiser des couples. C'était déconnecté du quotidien que je menais entre les heures de cours, les devoirs, les amis et le chant.

A cette époque puis au lycée, je ne me suis jamais posé la question de ma première fois sexuelle. Elle ne me traversait pas. Ma vie me convenait très bien comme ça. Je ne me considérais pas assez mûre pour m'engager sur ce terrain-là, même s'il passionnait beaucoup de mes camarades.

"Quand j'ai eu 20 ans, je me suis dit que ce n'était pas normal d'être encore vierge"

Je dirais que c'est à partir de la vingtaine que mon manque de vécu sexuel a commencé à me préoccuper. Toutes mes copines avaient fait déjà l'amour. Je me comparais à elles. Je me sentais triste mais surtout pas normale car je ne ressentais aucune envie ou curiosité à ce sujet. Quelque chose me retenait et m'écartait de l'amour, du sexe, des relations. De la peur sans doute, mais la peur est aussi venue avec l'âge : dès que j'ai compris que j'avais loupé le train et que je me suis retrouvée seule à la gare à cogiter dans le noir, j'ai pris peur. Ce n'est pas que je ne me sentais plus capable d'avoir un rapport sexuel, c'est que je ne m'en sentais pas capable tout court. Comme si mon adolescence s'était déroulée loin de moi, que je n'avais pas vu passer le bon moment. J'ai pensé, évidemment, qu'il n'était pas encore arrivé. Mais je n'avais pas non plus la certitude qu'il était pour demain.

Quand mes copines me parlaient de sexe, en plus de ne pas être excitée par leurs bavardages, j'étais un peu dégoûtée et coincée. J'avais une vision du sexe assez sale. Je ne sais pas d'où ça vient. Aucun traumatisme d'enfance ne pourrait justifier cela, du moins aucun évènement conscient. En fait, je pense que j'ai mis des barrières entre le sexe et moi car il me paraissait impossible de plaire ou de désirer quelqu'un.

"Plus on attend, plus on se sent hors des clous et plus on redoute la première fois "

J'ai commencé à me poser des questions quant à mon orientation sexuelle. Elles ne m'ont pas lâchée jusqu'à ce que je tombe amoureuse de l'un de mes amis. J'avais 29 ans. Quelque chose changeait, s'ouvrait. Je ressentais du désir pour lui. Nous avons flirté mais j'ai choisi de tout stopper car je manquais de confiance en moi pour aborder la suite de l'histoire. Plus on attend, plus on se "sait" vierge, plus on se sent hors des clous et plus on redoute la première fois. Pourtant, je voulais que ma première fois se passe avec lui. J'étais amoureuse de lui, je le connaissais depuis des années et je savais qu'il me respecterait et lui savait que j'étais vierge. Il valait mieux être honnête de toute façon. Mon manque d'expérience se serait vu. Jamais je n'ai eu envie de mentir à ce sujet pour rentrer dans une norme, même si à l'inverse je ne m'en suis jamais vantée.

Trois plus tard, j'ai regretté d'avoir mis fin à notre début de relation. J'ai voulu le retrouver car il me manquait mais, mauvaise surprise, il était en couple. Cette nouvelle ne m'a pas empêchée de le séduire. Nous avons de nouveau flirté, mais quand nous partagions des préliminaires, le plaisir que je ressentais n'était pas à son comble. J'étais gênée par la situation, je pensais à son amie. Je ne pouvais pas faire l'amour avec lui. Je ne voulais pas m'engager là-dedans, dans une relation compliquée, assaisonnée de culpabilité et de trahison. Nous nous sommes séparés. 

Cet ami est devenu une obsession amoureuse, du moins des proches me l'ont fait remarquer : j'attendais "beaucoup" de lui. J'attendais cette première fois, j'attends qu'il quitte sa compagne, j'attendais de vivre une histoire d'amour. Dès que je le voyais, je palpitais, mon cœur s'emballait. Mais attendre de lui, n'était-ce pas aussi de la facilité, sachant qu'il était en couple ? Est-ce que mes anciennes barrières avaient laissé place à une nouvelle barrière, celle d'un amour impossible, ou difficile ? Peut-être. Peut-être qu'il y avait de l'évitement de ma part et beaucoup de confort à partager une histoire platonique. Mes copines-collègues me disaient de coucher avec lui, comme pour me pousser à vivre. Cependant, elles craignaient que je le regrette. Parfois je me demande à quel point l'absence de première fois à 30 ans pousse à se poser des questions qu'on ne se pose pas d'ordinaire. Avec le temps, la spontanéité s'éteint. On intellectualise tout. Que se demandent les autres ?

"Plus le temps passait plus j'avais peur d'être ridicule, de ne pas savoir m'y prendre"

Je ne peux pas dire que je n'ai jamais eu l'opportunité de faire l'amour, ce serait faux. Ces opportunités n'étaient pas nombreuses et évidentes, mais j'ai fait quelques rencontres. Seulement, j'ai toujours refusé. Plus je prenais de l'âge, plus j'avais honte d'être encore vierge, donc j'étais complètement bloquée. C'était un cercle terriblement vicieux, et puis je ne voulais pas faire ça "n'importe comment". Je voulais une première fois avec des sentiments.

Aussi, plus je vieillissais, plus j'avais peur de ne pas savoir faire, peur d'être ridicule. Pourtant, jamais je n'ai pensé que le sexe était compliqué ou sorcier. C'était plutôt cette sensation d'être à part et d'avoir loupé mon tour qui me figeait. Comme si c'était trop tard, pas fait pour moi. Comme si j'étais exclue. A 30 ans, le changement de dizaine m'a mis un coup. Toujours vierge ? Pas normal. Je n'ai jamais voulu savoir si j'étais un cas unique ou pas. De toute façon, je partais du principe qu'après 20 ans, il était impossible d'être vierge. Faire des recherches sur Google m'aurait démoralisée et davantage complexée.

J'ai essayé de me masturber à 30 ans environ, un âge déclic peut-être. Je crois que j'avais envie de me connecter à mon corps, de tester mon plaisir, de me découvrir. Je ne cherchais pas à me préparer à mon premier rapport. J'étais plutôt curieuse de moi-même. J'ai pris du plaisir dès les premières fois et ça m'a rassurée, même si aujourd'hui encore j'ai honte et je me sens sale après m'être fait du bien.

"Ma première fois est un mauvais souvenir"

Il y a deux ans, j'ai fini par rencontrer quelqu'un. Je ne suis pas tombée amoureuse de lui. J'étais encore amoureuse de mon ami. Mais ce garçon, plus jeune que moi, me plaisait beaucoup et me mettait en confiance. Un soir, on a été prendre un verre puis nous avons marché jusqu'à nos voitures. Nous sommes montés dans la sienne, nous nous sommes embrassés, caressés… C'était agréable, j'étais bien. Sauf qu'il a voulu aller plus loin et que je ne voulais pas. Pas comme ça, pas ici, pas sans amour et dans une voiture. On se connaissait depuis quinze jours à peine. Il a insisté et j'ai cédé pour lui faire plaisir et non pas parce que je voulais enfin faire l'amour et découvrir le sexe à deux. J'étais prête à attendre encore, pas à vivre ça… J'ai eu mal. C'était très douloureux. J'avais les larmes aux yeux. Après, je lui ai dit qu'il n'aurait pas dû insister et il l'a mal pris…

Ma première fois me reste en travers. Ce n'est pas ce que je voulais. Pendant les semaines qui ont suivi, je ne pouvais pas me toucher quand je me lavais, ni me voir nue. Je pense souvent à ce qu'il s'est passé ce soir-là pendant l'acte. J'ai l'impression que ça a renforcé ma peur des hommes. J'ai peur de tomber sur un beau parleur qui ne pense qu'à coucher avec moi. J'ai décidé de suivre une thérapie mais je n'ai ressenti aucun effet, je n'en ressors pas éclairée.

Le temps a passé. Je me sens mieux et de nouveau à l'aise avec mon corps. Le sexe m'attire, et d'autant plus depuis que je pratique la masturbation. Et bizarrement, depuis que je ne suis plus vierge, je me masturbe beaucoup plus, que ce soit à main nue ou avec un sextoy. Je connais mieux mon corps, quelque chose se débloque, le sexe fait désormais partie de ma vie.

"Désormais, j'ai peur d'aller trop vite et de faire la même erreur qu'il y a deux ans"

Aujourd'hui, je suis toujours amoureuse de mon ami. J'ai eu une nouvelle opportunité de relation mais j'ai toujours un gros manque de confiance en moi et en les autres. J'ai peur d'aller trop vite, de faire la même erreur qu'il y a deux ans. et de souffrir. J'ai aussi peur de l'engagement car à mon âge je n'ai pas encore vécu en couple. Je vis seule depuis huit ans, j'étais auparavant chez mes parents. Je n'ai jamais vécu avec quelqu'un. J'ai mes habitudes de fille célibataire, donc je crains que ça ne fonctionne pas à deux. 

J'essaie d'assumer ma situation. Je n'ai pas toujours bien vécu le fait de rester vierge si longtemps, mais j'ai envie de dire qu'il faut être sûr d'aimer la personne avec qui on fait l'amour pour la première fois. Et surtout, il ne faut pas vivre sa première fois pour faire plaisir à l'autre si on n'en a pas envie. Il ne faut pas céder. Une personne attachée et respectueuse attendra. En tout cas, je crois qu'il faut prendre son temps, ne pas se mettre la pression. Il n'y a pas de bon âge. Finalement, c'est que m'ont toujours dit ma mère et mes copines. J'ai conscience qu'on ne l'entend pas ainsi quand on supporte la honte et que le temps passe un peu sans nous. Mais je crois que ce sont là de très bons conseils.