Divorce "gris" : Pourquoi de plus en plus de femmes divorcent à 50 ans ?
C'est le reflet d'une volonté de s'épanouir à tout âge.

D'après un rapport de l'Insee, parmi les divorces prononcés en France en 1990, 10% des femmes et 14% des hommes étaient âgés de 50 ans et plus. En 2010, ces chiffres sont passés à 24% pour les femmes et 32% pour les hommes et en 2020, 47% des femmes et 37% des hommes avaient plus de 50 ans lors des jugements de divorces. Appelé "divorce gris", ce phénomène reflète une tendance mondiale : aux États-Unis, il concerne un divorce sur quatre. Si cette hausse est encouragée par la simplification des démarches et l'accessibilité des informations juridiques, notamment grâce à Internet, elle résulte aussi de facteurs sociétaux.
La fin des compromis
Selon Christian Richomme, psychanalyste et auteur de plusieurs ouvrages sur les relations amoureuses, l'augmentation des divorces chez les plus de 50 ans appelée "divorce gris" tient en partie à la culture du développement personnel. Privilégier son épanouissement est devenu légitime, là où les générations précédentes pouvaient se contraindre à subir un mariage malheureux par conviction morale. "L'idée qu'il fallait rester avec le même partenaire toute sa vie était profondément ancrée. Cette vision est aujourd'hui largement remise en question. Si notre conjoint ne répond pas à nos besoins, nous hésitons moins à envisager la séparation car notre bonheur passe en priorité." Pour les femmes, cette reconsidération du mariage est rendue possible par l'acquisition d'une plus grande autonomie financière. Autrefois dépendantes de leurs conjoints, elles sont désormais libres de mettre fin à une union sans craindre pour leur stabilité économique. Cette émancipation explique notamment pourquoi les femmes constituent aujourd'hui les principales initiatrices des divorces gris.
Certaines étapes de vie peuvent aussi être à l'origine de divorces tardifs, comme le départ des enfants. Ce moment constitue un tournant dans la dynamique du couple : "Lorsqu'on se retrouve soudain en tête-à-tête avec son partenaire, on peut réaliser que quelque chose ne fonctionne plus et que des problèmes jusque-là ignorés ou minimisés resurgissent" constate Christian Richomme. Cette prise de conscience peut avoir été écrasée par le poids des responsabilités familiales : "Plusieurs patients m'ont confié avoir attendu que leurs enfants quittent le nid pour oser demander le divorce. Ils ont le sentiment d'avoir accompli leur rôle de parents et de pouvoir maintenant penser à eux sans culpabilité."
La retraite, un déclencheur de divorce
Le passage à la retraite agit aussi comme un déclencheur : "C'est un véritable bouleversement dans la vie d'un couple de se retrouver ensemble toute la journée et non plus seulement le soir et le week-end." Cette soudaine proximité peut révéler une divergence des aspirations et conduire certains couples à reconsidérer leur avenir commun. Cette remise en question prend encore plus de sens dans le contexte de l'allongement de l'espérance de vie. Face aux nombreuses années de liberté qui s'offrent aux jeunes retraités, l'envie de prendre un nouveau départ, seul ou avec un autre partenaire, peut alors s'imposer.
Si ces divorces tardifs sont l'opportunité d'écrire un nouveau chapitre en accord avec ses attentes personnelles, ils restent des choix difficiles que certains vivent comme des échecs : "Lorsqu'on a été marié longtemps, on peut avoir l'impression de s'être impliqué dans une relation pour rien, de jeter à la poubelle plusieurs années de vie commune" analyse Christian Richomme. Pour lui, il est important de voir la séparation non pas comme une perte mais comme une expérience : "Une relation qui se termine nous apprend toujours quelque chose sur qui nous sommes, comment nous souhaitons aimer et être aimé.
Un pas de plus sur le chemin de la connaissance de soi, donc, qui peut ouvrir de nouvelles perspectives amoureuses : "On sait ce qui est bien pour soi, ce qui n'est pas toujours le cas à 20 ou 30 ans. Cette exigence, que l'on acquiert avec l'âge, permet de faire des rencontres plus épanouissantes". Pour le psychanalyste, "quel que soit notre âge, si l'on est dans une situation de souffrance, il faut en sortir. Ce n'est pas parce que l'on vieillit que l'on n'a pas le droit au bonheur et à l'amour". La popularité croissante des applications de rencontres dédiées aux plus de 50 ans en témoigne.